Ces Roms intégrés, menacés d'expulsion
Grâce à l'action d'un collectif local, les Roms de
Deuil ont bénéficié d'un des rares projets d'insertion consacrés à ces
populations. Mais leurs efforts risquent d'être réduits à néant. Par Aurélie Carabin pour l'Express
Plus grande minorité d'Europe, les Roms sont confrontés à de graves situations d'exclusion et de précarité. A Deuil-la-Barre, dans la région parisienne, 15 familles roms connaissent un parcours exceptionnel. Ils sont pourtant menacés d'expulsion.
Malgré leur grande précarité, les Roms de Deuil-la-Barre
ont eu "de la chance". Voilà presque deux ans qu'une quinzaine de
familles vit sur un terrain en friche de cette petite commune du Val
d'Oise. Un record pour ces habitués des procédures d'expulsion. Arrivés
en France il y a six ou huit ans, ces originaires de Curtici, dans l'Ouest de la Roumanie,
n'étaient jamais restés plus de six mois au même endroit. Grâce à
l'action d'un collectif local, les Roms de Deuil ont bénéficié d'un des
rares projets d'insertion consacrés à ces populations. Mais leurs
efforts risquent d'être réduits à néant.
Svelte, souriante et dynamique, Monique de Martinho fait partie du réseau Roms Deuil, créé en septembre 2010 pour venir en aide aux migrants.
"Des élus de la ville connaissaient mon implication dans l'association
Romeurope, ils m'ont donc contactée pour me prévenir de leur arrivée" ,
explique cette chef de projet de 39 ans. Intrigués par les nouveaux
venus, des habitants se sont rassemblés pour leur apporter leur soutien.
"Nous en avons parlé à nos voisins, à nos amis qui ont fini par nous
rejoindre", se réjouit Gérard Lippman, enseignant et membre actif du
collectif.
Scolariser les enfants, un impératif
A
l'intérieur du camp, constitué de 17 baraques montées à l'aide de
planches de bois, de tôles, de bâches en plastique et autre matériaux de
récupération, l'accueil est chaleureux, même si certains hommes se
montrent plus réservés. Dacian, 27 ans, et sa femme Catalina, 25 ans,
insistent pour montrer que l'intérieur de leur maison est "propre et
bien rangé".
Leurs quatre enfants vont à l'école, comme douze autres au sein
du camp. "Lors de nos premières rencontres avec les familles roms, nous
avons conclu une sorte de contrat moral, explique Monique de Martinho.
Nous nous sommes engagés à les aider, à condition que tous les enfants
en âge de l'être soient scolarisés, et que le nombre de baraques
n'augmente pas. Et ils ont toujours tenu parole". Bianca, 26 ans, est
heureuse que son petit Alexandru, 4 ans, soit inscrit à la maternelle :
"Il sait compter jusqu'à 21! Je suis contente qu'il apprenne le
français". Deux autres enfants ont rejoint le collège à la rentrée 2011,
un véritable succès pour le collectif.
Les parents, quant à eux, sont dans une logique de survie:
mendicité, vente de fleurs et de journaux, ou encore travail au noir
dans le BTP, pour certains, leur permettent de nourrir leurs familles.
Trouver un emploi légal relève du défi pour tous les Roms de France. Du
fait des mesures transitoires imposées aux ressortissants de Roumanie et
de Bulgarie depuis 2007, seuls 150 métiers leur sont autorisés, et les
démarches coûteuses nécessaires à l'embauche d'un Rom ne font rien pour
attirer les employeurs potentiels. "Si ces mesures étaient abrogées, bon
nombre d'entre eux trouveraient un emploi, assure Monique. Pas tous, je
ne vais pas vous mentir, mais beaucoup". Malgré tout, les Roms de Deuil
ne souhaitent pas retourner dans leur pays de naissance, où leurs
conditions de vie sont encore plus dures depuis la chute du régime
communiste en 1989.
Expulsables d'un moment à l'autre
Les
projets ne manquent pas, au sein du collectif de Deuil. Mais depuis deux
mois, les Roms de la ruelle du Pavillon sont expulsables à tout moment:
le 30 mars, le tribunal de grande instance de Pontoise a prononcé
l'expulsion des Roms de Deuil, à appliquer à partir du 16 mai.
Entre-temps, cependant, le collectif, appuyé par des
associations amies, a saisi le Défenseur des droits, Dominique Baudis.
Celui-ci a envoyé un courrier au préfet du Val d'Oise, lui demandant de
suspendre la décision du tribunal, le temps "que soient prises les
dispositions permettant un déménagement des familles dans les meilleures
conditions", indique-t-il.
De son côté, le maire de Deuil, Jean-Claude Noyer (UMP), estime
que les négociations n'ont pas lieu d'être, à présent que la justice a
tranché. Interrogé quant à la scolarisation des enfants, l'élu souligne
que l'année scolaire touche à sa fin, et que les choses devraient "se
solutionner en douceur". Reste à voir ce que recouvre exactement la
prétendue "douceur" d'une éventuelle "solution".
Pour Monique de Martinho, la priorité est de "gagner du temps",
afin de ne pas anéantir tous les efforts consentis jusqu'à présent. "Il
nous faudrait juste un terrain pour continuer notre projet",
assure-t-elle, consciente de la difficulté d'une telle requête. Une
table ronde pourrait réunir prochainement les différents acteurs afin
d'éviter une expulsion brutale à ces familles, et à leurs 28 enfants...
Aurélie Carabin pour l'Express
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