2 juin 2012

Deuil-la-Barre, histoire d'une schizophrénie communale

Deuil-la-Barre est une commune tranquille de la banlieue nord de Paris, au pied de la colline de Montmorency. Deuil-la-Barre serait restée anonyme, si un Montmorencéen prestigieux, Jean-Jacques Rouseau, n'avait souvent arpenté, dans les années 1755-1760, le territoire de cette commune pour rendre visite à son amie, Mme d'Épinay, qui y possédait une demeure, malheureusement détruite, le château de la Chevrette. C'est, durant ces années, avant qu'il ne soit politiquement contraint de repartir vers la Suisse, que « le citoyen de Genève » écrivit  Le Contrat social,  son œuvre maîtresse qui, selon les historiens, a inspiré la Déclaration des Droits de l'Homme d'août 1789 et toute la philosophie de la Révolution...


1 juin 2012

Dominique Baudis avec les Roms de Deuil la Barre

Ces Roms intégrés, menacés d'expulsion

Grâce à l'action d'un collectif local, les Roms de Deuil ont bénéficié d'un des rares projets d'insertion consacrés à ces populations. Mais leurs efforts risquent d'être réduits à néant. Par Aurélie Carabin pour l'Express

Ces Roms intégrés, menacés d'expulsion

Plus grande minorité d'Europe, les Roms sont confrontés à de graves situations d'exclusion et de précarité. A Deuil-la-Barre, dans la région parisienne, 15 familles roms connaissent un parcours exceptionnel. Ils sont pourtant menacés d'expulsion. 


Malgré leur grande précarité, les Roms de Deuil-la-Barre ont eu "de la chance". Voilà presque deux ans qu'une quinzaine de familles vit sur un terrain en friche de cette petite commune du Val d'Oise. Un record pour ces habitués des procédures d'expulsion. Arrivés en France il y a six ou huit ans, ces originaires de Curtici, dans l'Ouest de la Roumanie, n'étaient jamais restés plus de six mois au même endroit. Grâce à l'action d'un collectif local, les Roms de Deuil ont bénéficié d'un des rares projets d'insertion consacrés à ces populations. Mais leurs efforts risquent d'être réduits à néant.  

Svelte, souriante et dynamique, Monique de Martinho fait partie du réseau Roms Deuil, créé en septembre 2010 pour venir en aide aux migrants. "Des élus de la ville connaissaient mon implication dans l'association Romeurope, ils m'ont donc contactée pour me prévenir de leur arrivée" , explique cette chef de projet de 39 ans. Intrigués par les nouveaux venus, des habitants se sont rassemblés pour leur apporter leur soutien. "Nous en avons parlé à nos voisins, à nos amis qui ont fini par nous rejoindre", se réjouit Gérard Lippman, enseignant et membre actif du collectif.  

Scolariser les enfants, un impératif

A l'intérieur du camp, constitué de 17 baraques montées à l'aide de planches de bois, de tôles, de bâches en plastique et autre matériaux de récupération, l'accueil est chaleureux, même si certains hommes se montrent plus réservés. Dacian, 27 ans, et sa femme Catalina, 25 ans, insistent pour montrer que l'intérieur de leur maison est "propre et bien rangé".  

Leurs quatre enfants vont à l'école, comme douze autres au sein du camp. "Lors de nos premières rencontres avec les familles roms, nous avons conclu une sorte de contrat moral, explique Monique de Martinho. Nous nous sommes engagés à les aider, à condition que tous les enfants en âge de l'être soient scolarisés, et que le nombre de baraques n'augmente pas. Et ils ont toujours tenu parole". Bianca, 26 ans, est heureuse que son petit Alexandru, 4 ans, soit inscrit à la maternelle : "Il sait compter jusqu'à 21! Je suis contente qu'il apprenne le français". Deux autres enfants ont rejoint le collège à la rentrée 2011, un véritable succès pour le collectif.  

Les parents, quant à eux, sont dans une logique de survie: mendicité, vente de fleurs et de journaux, ou encore travail au noir dans le BTP, pour certains, leur permettent de nourrir leurs familles. Trouver un emploi légal relève du défi pour tous les Roms de France. Du fait des mesures transitoires imposées aux ressortissants de Roumanie et de Bulgarie depuis 2007, seuls 150 métiers leur sont autorisés, et les démarches coûteuses nécessaires à l'embauche d'un Rom ne font rien pour attirer les employeurs potentiels. "Si ces mesures étaient abrogées, bon nombre d'entre eux trouveraient un emploi, assure Monique. Pas tous, je ne vais pas vous mentir, mais beaucoup". Malgré tout, les Roms de Deuil ne souhaitent pas retourner dans leur pays de naissance, où leurs conditions de vie sont encore plus dures depuis la chute du régime communiste en 1989.  

Expulsables d'un moment à l'autre

Les projets ne manquent pas, au sein du collectif de Deuil. Mais depuis deux mois, les Roms de la ruelle du Pavillon sont expulsables à tout moment: le 30 mars, le tribunal de grande instance de Pontoise a prononcé l'expulsion des Roms de Deuil, à appliquer à partir du 16 mai. 
Entre-temps, cependant, le collectif, appuyé par des associations amies, a saisi le Défenseur des droits, Dominique Baudis. Celui-ci a envoyé un courrier au préfet du Val d'Oise, lui demandant de suspendre la décision du tribunal, le temps "que soient prises les dispositions permettant un déménagement des familles dans les meilleures conditions", indique-t-il. 
De son côté, le maire de Deuil, Jean-Claude Noyer (UMP), estime que les négociations n'ont pas lieu d'être, à présent que la justice a tranché. Interrogé quant à la scolarisation des enfants, l'élu souligne que l'année scolaire touche à sa fin, et que les choses devraient "se solutionner en douceur". Reste à voir ce que recouvre exactement la prétendue "douceur" d'une éventuelle "solution". 

Pour Monique de Martinho, la priorité est de "gagner du temps", afin de ne pas anéantir tous les efforts consentis jusqu'à présent. "Il nous faudrait juste un terrain pour continuer notre projet", assure-t-elle, consciente de la difficulté d'une telle requête. Une table ronde pourrait réunir prochainement les différents acteurs afin d'éviter une expulsion brutale à ces familles, et à leurs 28 enfants...  

Aurélie Carabin pour l'Express